La place des modèles antiques dans l’enseignement de l’École des Beaux-Arts de Tours au XXe siècle

La place des modèles dans l’enseignement des Beaux-Arts à Tours ne diffère pas des tendances nationales, avant la Seconde Guerre mondiale. Grâce aux archives, on constate un dynamisme important : la collection s’agrandit de façon régulière entre les années 1869 et 1930, avec plusieurs envois du ministère de modèles antiques. Ainsi, une lettre du 8 juin 1908 du préfet d’Indre-et-Loire mentionne l’envoi à l’École de Tours d’un plâtre du Faune aux Cymbales, dont un accusé de réception par le directeur de l’école le 9 juin 1908 indique que ce plâtre « présente un vif intérêt pour l’étude d’après l’antique ». De même, le 16 février 1911, l’Intendant Général des Beaux-Arts visite l’École de Tours, inspecte la collection de modèle et établit une liste des moulages peu utiles et ceux manquant, que l’École devra se procurer rapidement. Les archives montrent également des traces d’autres supports didactiques ayant servi à l’enseignement de l’art antique. En premier lieu, comme pour les modèles, l’École des Beaux-Arts est très active dans l’acquisition d’ouvrages, au point que le maire ordonne la création d’une bibliothèque pour permettre aux élèves et professeurs d’y avoir accès. Parmi ces livres, se trouve, par exemple, La Sculpture Antique de Pierre Paris (1889) dont plus de la moitié est consacrée à l’étude des sculptures gréco-romaines avec de nombreuses reproductions d’œuvres, permettant d’agrandir le répertoire de modèles antiques, tout en l’étoffant de réflexions théoriques. En outre, de nombreuses lettres font mention d’ouvrages comme prix pour les élèves les plus méritants. Les autres supports visuels, dont les traces dans les archives sont plus minces, sont les photographies et les dessins. Ainsi, dans un document de 1870, le directeur de l’école mentionne l’achat à un particulier d’une collection de « 7 planches photographiques » de monuments grecs, ou encore dans une facture de l’entreprise François Delarue, datée du 12 juillet 1870, sont mentionnées « 14 études d’après l’Antique ».

Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’École de Tours perd une grande partie de sa collection de modèles, de dessins et d’ouvrages comme l’atteste une lettre de l’adjoint au maire de la ville, H. Lesage, au préfet du département, le 04 septembre 1940. Néanmoins, leur importance est soulignée dans l’enseignement artistique, c’est pourquoi la municipalité demande à l’État des subventions afin de reconstituer la collection et de maintenir un enseignement de qualité. L’importance des modèles antiques dans le cadre de l’enseignement de l’École des Beaux-Arts de Tours peut être mesurée grâce aux rapports d’inspection, évaluant les locaux des écoles, leur enseignement et le matériel et mobilier pédagogiques. Le rapport de l’année 1955 mentionne que la collection satisfait la préparation au Certificat d’Aptitude à une Formation Artistique Supérieure, mais celui de 1960 indique que la collection doit encore s’enrichir. Après son installation dans ses nouveaux locaux, l’École de Tours possède une collection complète de modèles, comme l’atteste le rapport 1966. Il s’agit cependant ici de la dernière mention des modèles dans ces rapports, laissant penser que, comme dans la plupart des autres écoles, ces modèles ne sont plus utilisés dans l’enseignement ensuite.
Cette étude montre l’importance et la variété des modèles antiques dans l’enseignement à Tours. De plus, contrairement à beaucoup de collections qui, après-guerre, sont perdues, mises de côté ou détruites, celle de l’École des Beaux-Arts de Tours continue à être utilisée, en tant que pièce maîtresse de sa pédagogie pour les étudiants de la formation conservation-restauration des biens culturels, spécialité Œuvres sculptées.
Julie Antoine
Marie Perennou
Bibliographie :
- C. Blanc, La sculpture, Paris,1902.
- A. Bonnet, L’enseignement des arts au XIXe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique, Rennes, 2006
- R. d’Enfert, L’enseignement du dessin en France : Figure humaine et dessin géométrique (1750-1850), Paris, 2003.
A. Esposito, S. Montel, « Les moulages, objets d’art et d’enseignement ». Heródoto, 6, 1, 2021, p. 80-106. - D. Laks, « Enseigner l’art au XXe siècle : des écoles à l’université », EHNE, Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, en ligne, consulté le 20/04/2023 (https://ehne.fr/fr/node/21649)
- Le Moulage, actes du colloque international (10-12 avril), Paris, 1988.
- C. Roux, L’enseignement de l’art : la formation d’une discipline, Nîmes, 1999.
Sources :
AMT : Archives municipales de Tours
- Série 1 R 58 : École des Beaux-Arts 1791-1947
- Lettre du préfet du département d’Indre-et-Loire au Maire de Tours, 8 juin 1908
- Lettre du Directeur de l’École des Beaux-Arts de Tours au Maire de Tours, 9 juin 1908
- Lettre du directeur de l’École des Beaux-Arts de Tours au maire de Tours, 11 février 1911
- Liste de livres associée à une lettre du maire de Tours au directeur de l’École des Beaux-Arts de Tours, s. d.
- Note du directeur de l’École des Beaux-Arts de Tours (René Dubrac de Chastain) au Maire de Tours, 4 novembre 1870
- Facture de l’entreprise François Delarue et fils à destination de la ville de Tours, 12 juillet 1870
AMT Contemporaine : Archives municipales de Tours, section contemporaine
- Boîte École des Beaux-Arts, non inventoriée (boîte 2, chemise “Enseignement, rapports d’inspection (1950-1984)”)
- Rapports d’inspection de 1949 à 1966
AD Touraine : Archives départementales d’Indre-et-Loire
- Série 953W106. École régionale des Beaux-Arts – Fonctionnement, financement, gestion du personnel – rapport de l’inspection générale de l’enseignement artistique, subventions, dossiers du personnel.
- Lettre de l’adjoint au maire de Tours (Lesage) au préfet d’Indre-et-Loire, le 4 septembre 1940.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Natacha Lubtchansky (22 mai 2023). La place des modèles antiques dans l’enseignement de l’École des Beaux-Arts de Tours au XXe siècle. Copies Didactiques. Consulté le 21 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/vmqf